«J’ai travaillé une semaine dans un hôpital provincial en Mongolie»
par V.Li - Le Spécialiste
Parti le 11 juin pour une mission humanitaire en Mongolie , le Dr Ward Sam , urologue à la Clinique St Jean a passé une semaine riche en expériences avec des confrères chirurgiens dans le service d’urologie d’un hôpital régional. Témoignage ….
Dans le cadre d’un programme humanitaire subventionné par le gouvernement belge mené par FSE, un groupe qui gère des fonds notamment pour améliorer l’offre et le matériel de soins en Mongolie (et dans d’autres pays en Afrique et Amérique) , le Dr Sam Ward, urologue à la Clinique Saint-Jean à Bruxelles, revient sur cette expérience de terrain et sa genèse.
“Cette association, FSE, avait contacté la clinique Saint Jean parce qu’elle manquait de médecins pour la Mongolie : des ophtalmologues, des urologues, des orthopédistes...d’ailleurs, en octobre, d’autres médecins de Saint-Jean partirons en Mongolie aussi. Lorsque je suis arrivé dans le pays, après 1 jour et demi de voyage, je me suis rendu dans le service d’urologie d’un hôpital de la région de Khovd, une province toute à l’ouest du pays dans la capitale qui porte le même nom. Une ville d’environ 80.000 habitants. Ce seul hôpital s’occupe aussi des soins des 300.000 habitants qui viennent des steppes de la région.” Les mongoles sont à la base des nomades qui, encore aujourd’hui vivent avec leurs troupeaux de bêtes (vaches, chevaux, chèvres) en yourte au sein des steppes de Mongolie.
Un manque de ressources
Dans cet hôpital, le Dr Ward a pu découvrir le CT Scan acheté voici trois ans grâce au soutien du gouvernement belge. “L’hôpital s’est aussi procuré voici peu un urétéroscope et j’étais là pour former les cinq chirurgiens dont un urologue à cet appareil. Des chirurgiens qui, au quotidien, doivent aussi procéder à des opérations de l'appendice, des vésicules biliaires... « On remarque que les guidelines qu’ils utilisent ne correspondent pas aux guidelines internationales et qu’ils ont un manque de ressources énormes. Je donne juste un exemple : Ils ont un urétéroscope, mais ils n’ont pas de laser.
Le patient doit donc faire 1500 Km pour avoir un traitement complémentaire...
Ils doivent à terme acheter un laser surtout que cela concerne un grand nombre de patients puisqu’ils mangent beaucoup de viandes rouges et peu de légumes, ne s’hydrate pas suffisamment... tous des facteurs de risque de lithiases urinaires »
La barrière de la langue
Cette formation a eu lieu grâce à la présence d’une traductrice. L’anglais est une langue qu’ils ne maîtrisent pas. Heureusement, elle s’impose doucement dans la formation médicale du pays: « Avant les médecins étaient formés dans la langue mongole. Aujourd'hui, on commence à les former en anglais depuis 2-3 ans ce qui leur donne accès à un grand nombre d’informations médicales. C’est essentiel pour leur formation continue.”
Les ressources en matière de santé en Mongolie sont toutes concentrées à la capitale, Oulan-Bator. « J’ai eu l’occasion de voir le second hôpital universitaire du pays : ils ont les mêmes échographes qu’à Bruxelles. ...mais dans les provinces, ce n’est pas le même niveau de soins malheureusement.
Les conditions de travail des médecins sont très difficiles. Il y a, par exemple, une salle de radiologie avec deux échographes et deux tables d’examens sans rideau entre les deux tables. Pas d’air conditionné, pas de chaises»
La situation internationale ne facilite pas non plus leur approvisionnement : « Ils sont situés entre la Russie et la Chine et sont très dépendants pour le matériel médical ou les médicaments. Depuis le covid la frontière Chinoise est fermé, et maintenant la guerre en Ukraine... Ils n’ont donc que le pont aérien pour s’approvisionner.»
La télémédecine
Cet enclavement, et ce manque de moyens en dehors des grandes villes, n’empêche pas le pays d’être attentif à la modernité médicale qui pourrait les aider à terme : « La réflexion sur la santé digitale y progresse : j’y ai parlé de la télémédecine notamment lors d’une présentation pour tout le staff médicale. Ils ont compris l’intérêt à moyen terme surtout avec la dispersion des patients. Il ne faut pas oublier que la Mongolie est un pays 50 fois plus grand que la Belgique pour une population de 3 millions d’habitants. La télémédecine est donc une solution pour éviter les déplacements inutiles. » Ils pourront rendre leurs ressources médicales plus accessibles avec cette technologie : « Cela va même leur permettre d’avoir des avis de médecins et de spécialistes de la capitale ou de grandes villes sans que le patient ne doive se déplacer. Ils vont investir à ce niveau dans les prochaines années. Enfin le fait que la 4G soit très disponible dans les villes (et pas chère) du pays est un atout supplémentaire. En plus, les habitants ont tous un smartphone même dans leurs yourtes. »
La santé sexuelle
Le Dr Ward en a aussi profité pour évoquer l’importance de la santé sexuelle : « En Mongolie, il n’y a qu’une faculté de médecine, mais ils n’y abordent pas tous les thèmes de la santé sexuelle. La seule chose qu’ils évoquent, c’est la fertilité et la dysfonction érectile comme conséquence du syndrome métabolique. » Les programmes ne soulignent donc pas l'importance du consentement, questions de périnatalité, le genre, ... « J’ai eu l’occasion de rencontrer le responsable de la Faculté de médecine qui définit le curriculum. Il est très intéressé de pouvoir développer un programme sur la santé sexuelle mais aussi d’utiliser des outils de prévention et d’éducation notamment digitale. Ils sont d’autant plus demandeurs qu’ils travaillent actuellement au niveau de la population à une campagne de sensibilisation pour réduire les grossesses non désirées des adolescentes...»
Cette expérience a, en tout cas, été très riche pour le Dr Sam Ward : « Je conseille à d’autres médecins, s’ils en ont l’opportunité, de faire ce type d’expérience. FSE est toujours à la recherche de médecins volontaires pour effectuer des missions dans différents pays et cela permet d’avoir un autre regard sur le travail de collègues et de transmettre utilement son savoir. »